27/12/2005
Sauternes ou Barsac ? Goûtez le Château de Doisy-Dubroca
Les blancs liquoreux ne sont pas ma tasse de thé !
Mais j’ai un allié très convaincant dans l’adoption de quelques spécimens d’exception : le botrytis cinerea.
Ce champignon se forme à la faveur des brouillards des matins d’automne et assure la concentration des sucres naturels des raisins et leur non pourriture. La vendange peut donc être tardive.
L’expression de ce climat idéal s’explique notamment par la présence du Ciron, affluent de la Garonne au lit bordé de sable landais qui participe à l’humidité matinale des lieux.
Le Sauternes grandit sur des terrasses de graves garonnaises, d’argile et de sable en forme de croupes successives.
Le Barsac s’étale lui sur les sables rouges du Mindel, à plat, à moins de 20 m d’altitude. Le drainage est excellent grâce au sous-sol calcaire.
Les cépages traditionnels des Sauternes et Barsac sont le Semillon, le Sauvignon et la Muscadelle. Un bon exemple en Barsac : la Demoiselle de Doisy second vin du Château de Doisy-Dubroca, second cru de 1855, est parfait sur le foie gras, car juste doux et élégant, fruité et alcoolique à la fois (14°). Ce Barsac ne joue plus dans les apéritifs, même si l’étiquette commerciale - maladroite à tous égards - vous y invite, mais l’entame d'un repas de fêtes lui va parfaitement. Le nez est alcoolique et ce nectar semble s’évanouir dans la bouche tout en gardant une bonne longueur.
Les arômes d’agrume se bousculent avec délicatesse et onctuosité.
Voilà des vins à garder. Celui que j’ai dégusté avait 11 ans et en pleine adolescence.
Le classement de 1855 sacre Château d’Yquem – le premier Sauternes – comme premier cru supérieur de Sauternes et Barsac. Suivent les premiers crus de Bommes, Preignac, Barsac et Fargues.
Quelle belle région !
Ma note personnelle : 8,5 à 9 /10.
01:30 Publié dans Les Bordeaux | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : gastronomie
04/12/2005
Pacherenc du Vic-Bilh, fruit de l'arrufiac, du petit corbu, du gros et petit manseng
Pointe d'un triangle presque isocèle avec Bordeaux et Toulouse, la région de Madiran et Pacherenc du Vic-Bilh est bénie en rouge aussi bien qu'en blanc. Elle n'envie rien aux Tursan, Côtes de Saint-Mont et Béarn qui la bordent au Nord et tient le rang des nobles Jurançon du Sud plus près des contreforts des Pyrénées.
Région bénie des côteaux molassiques argileux, région de terroir à la française, où le goût est charnel, lié au sol et à l'histoire. Pas de marketing, de mode ou de packaging, seulement du goût, de la force et de la classe. Tout est spécifique ici, à commencer par les cépages. Les rouges de Madiran sont aujourd'hui copiés et exportés tellement le tannat et le fer servadou sont typés, racés et sans concession flatteuse aux palets fades de la nouvelle génération mondiale ; rendus inaptes à capter l'expression naturelle et ancienne des goûts régionaux de France.
En blanc, c'est un feu d'artifice !
Le gros manseng y est majoritaire et apporte à ces vins secs ou doux un exotisme unique. Le petit manseng plus dédié aux vins moelleux et magnifique d'équilibre et d'acidité. Souvent vendangé tardivement (souvent jusqu'en décembre), il conserve un apport exotique comme son cousin avec une complexité supplémentaire dans les tons torréfiés et de miel.
L'arrufiac est fin, propice aux vins secs, parfumés comme des bouquets de fleur et aromatiques aux zestes balsamiques.
Le petit corbu enfin produira des vins jeunes et agréables de suite.
Le Pacherenc du Vic-Bilh produit à partir du petit manseng à Saint-Mont est un moelleux de très bon rapport qualité / prix. Assemblage d'arrufiac, de petit corbu, de gros et petit manseng, il présente une belle robe couleur or.
Le nez est fruité à dominante de fruits à chair blanche.
La mise en bouche est inoubliable et très riche. Je vous conseille ce vin complexe, servi frais, en apéritif ou sur un gâteau aux fruits en dessert, éventuellement sur un fois gras pour ceux qui aiment le déguster avec un moelleux. Le miel, le café, les agrumes et fruits exotiques se bousculent et trébuchent avec bonheur sur le palais. Le plus étonnant est la tenue après dégustation : longue et structurée.
Potentiel de garde : 2 à 5 ans. A goûter, incontestablement.
Ma note : 7,5/10 pour un "non amateur" de moelleux.
Compter 10 à 15 Euros pour un bon Pacherenc du Vic-Bilh.
12:00 Publié dans Les Sud-Ouest | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Gastronomie
28/11/2005
Pommeau de Normandie, Jean Fauvel est un must
La pomme me laisse des souvenirs contrastés, mais une AOC rétablit souvent l'ordre des valeurs. Jean Fauvel a fait ici un emblème de ce que la pomme sait le mieux exprimer entre le Cidre exubérant et le Calvados souvent étalonné sur ses cousins rivaux issus de la liane à grappes. Le Pommeau de Normandie est frais, dynamique, profond, secret, gourmand et bien élevé. Sa robe magnifiquement ambrée laisse paraître de belles larmes grasses et généreuses. Le nez est agréable, la mise en bouche progressive et finalement épanouïe de tons cuivrés de pommes cuites et de caramel.
Le petit dépôt nous laisse imaginer le travail de vieillissement en fûts de chênes. Il faudra au moins 14 mois d'élevage et une fine sélection parmi une trentaine de variétés de pommes pour assembler les bons jus à cidre et les bons Calvados.
J'avoue n'y avoir plus pensé très longtemps et m'être laissé aller à le re-déguster jusqu'à la lie.
Je vous conseille cet apéritif original et distingué à servir entre 8 et 10°C. Pourquoi pas sur une entrée fruitée ou du foie gras, mais cela n'est pas à mon goût.
Jean Fauvel maîtrise son art, alors profitez-en !
Ma note : 8,5 / 10 au moins.
08:10 Publié dans Apéritifs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Gastronomie
19/11/2005
Les bateaux parisiens vous invitent à savourer Paris
Une croisière nocture a la beauté de l'éphémère, cette faveur d'Ulysse qui reflète la grandeur d'un moment, d'une âme, d'un environnement. Privilège des amoureux pour qui les mots sont des prisons, et l'espace un infini, la croisière traverse le temps, gravée dans le coeur et dans les yeux. Le regard de l'autre, des sourires, les lumières d'une cité d'exception, rayonnante dans la nuit, et puis ces quelques copeaux d'accords de violon, comme éparpillés sur la trace fluide de cette flute de verre et de métal. Les sens s'accordent aux sensations, et l'intuition tue la raison. On aurait compris le sacrifice de l'éternité pour ce moment aérien, insaisissable, ivre de finesse et d'accords. Ce moment de vie intense, naïve, joyeuse et consumante. Stan Getz s'est pris à hanter une violoniste gracieuse, aux traits élancés et drapée de noir. Elle vient du Sud et ses notes exhalent les rythmes latins. Melhi et son archer tournoient dans les couleurs pourpres et noires étoilées de la croisière. Claude y aurait vu les ricochets d'une bulle de jazz sur la Seine.
Le service est fondu dans ce décors pur et chaleureux à la fois, structure transparente de bois, metal et verre, moderne et délicieusement classique. Le Chardonnay du pays d'Oc donne toute sa rondeur, sa jeunesse fruitée et ensoleillée sous les tons de tilleul et les zestes mentholés. Mais jamais il ne cède à la facilité ! Sec, minéral et tout en ondulations grasses et gracieuses. Le Chateau du Moulin de Bahon, quoique grand Bordeaux rouge, en a perdu le rythme, délicat et doucement rapide des variations sud américaines. Qu'importe, le blanc est bon ce soir ! Il rayonne comme de l'or !
Les entrées se bousculent en manège de senteurs et de couleurs. Ici un cappuccino de potiron et son écume de châtaigne. Là une Lasagne de gambas "papillon" au fenouil confit. Et pourquoi pas un gâteau frais de homard avec quelques courgettes et tomates confites. Je laisserai les Rondins d'escargots de Bourgogne au basilic et porto à une autre escapade. C'est décidé, le classique gagnera encore ce soir : triangle de foie gras de canard, ses petits soufflés de citron vert jaunis et ses coins de pain d'épices.
Ce Chardonnay est une providence. Il me fait oublier un apéritif vulgaire et un rouge trop sûr de son seul nom. Il eut été facile de pencher pour les Noix de Saint-Jacques poêlées et ses asperges vertes au beurre blanc, mais je vais jouer la note du Sud et de la saveur simple avec un gourmand de veau à la plancha et sa jardinière de légumes dans une petite courgette ronde drôlement chapeautée. C'est une merveille de goût et de fondant. Le cabillaud "has been" avant d'avoir été à la mode dans mes assiette est resté en cuisine. Le magret se réserve aux tables plus communes et le steak d'agneau rôti se dispute avec le pavé de boeuf au poivre maniguette la raison de ce désaveu.
Le fromage relance les airs corsés d'une Piaf tellement Parisienne ce soir.
Mais le mi-cuit chocolat est presque de trop. Nous voilà arrivés, "ad satietatem". Le phare bleu s'est paré d'étoiles scintillantes. Un goût de laurier et de serpolet sous la glace de chocolat blanc : quelle invitation au voyage ! Quelle folle croisière ! Eiffel nous attend. Il est tant de rentrer, dans une seconde, un moment, une note, une éternité...
11:30 Publié dans Vos restaurants favoris ? | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Gastronomie
13/11/2005
Vin Argentin, régions de la Salta, de la Rioja, de San Juan, de Mendoza et du Rio Negro
Les immigrants italiens, espagnols et français ont importé les cépages français - aussi européens - et la culture du vin en Argentine. La consommation aux alentours de 45 litres annuels par habitant est encore la marque de cet héritage. Mais c'est surtout l'avènement du train dans les régions de Mendoza et de San Juan qui aura permis au siècle dernier d'exploiter ces terroirs propices à la vigne avec rendements à destination de Buenos Aires. A cette époque et encore trop souvent aujourd'hui, la production viticole est massive, contrairement à celle du Chili qui - à son avantage ? - n'a pas eu l'occasion de populariser la consommation du vin réservée à l'élite et donc vouée à la seule qualité.
Le vignoble argentin va donc progresser en surface de façon ininterrompue avec un plus haut à la fin des années 70. A partir de 80, l'arrachage commence jusqu'aux années 2000 et plus de 15% des vignes disparaissent au profit d'un replantage sélectif.
Les grandes provinces de vin sont au nombre de quatre du Nord au Sud - sur les 23 que comptent l'argentine - : la Salta et sa vallée de Cafayate, la Rioja et sa vallée de Famatina, San Juan et sa vallée de Tulum, Mendoza la géante et enfin la vallée du Rio Negro ou région patagonique.
La Salta est connue pour sa vallée de Cafayate, entourée de chaînes montagneuses et propulsant la vigne vers les 1700m d'altitude et plus ! Le soleil nourrit le raisin plus de 300 jours par an et l'amplitude thermique de près de 18°C assure une agriculture des plus naturelles. Le micro-climat de la vallée de Cafayate est propice à l'élevage du cépage Torrontés, mais également du Cabernet Sauvignon, du Malbec, du Syrah et du Chardonnay en blanc.
La région de Rioja est optimale pour le vin : altitude supérieure à 1 000 mètres, apports alluvionnaires, soleil et très faible humidité. La vallée de Famatina se situe entre le Maciza del Velazco à l'Est et le Nevado de famatina à l'Ouest. Le cépage de table classique est le Bonarda. Le Torrontés est également cultivé mais son expression est très différente à celle obtenue dans la région de la Salta. Le Cabernet Sauvignon, le Syrah et le Chardonnay arrivent également dans cette région.
San Juan, au sud de la Rioja, est une région viticole populaire dans tous les sens du terme. A 600 mètres d'altitude, sur des sols enrichis par les apports sablonneux alluvionnaires, les vins de table grandissent avec noblesse et les vins de classe commencent à percer. Le Syrah est roi et sa concentration aromatique ajoute à la structure et au corps de ses vins cette dimension que l'on connaît aux Côtes du Rhône.
Si vous aimez les vins racés et puissants, élevés à partir de cépages français, vous tomberez statistiquement sur un vin Malbec pur ou Malbec + Cabernet Sauvignon de Mendoza - en rouge sur la carte - qui avec ses 145 000 ha représente 70% du vignoble argentin. Zoomons sur Mendoza, la géante :
- La zone haute du Rio Mendoza couvre 23 500 ha entre 650 et 1100 mètres d'altitude et privilégie les cépages français : Malbec, Cabernet Sauvignon, Merlot et Syrah,
- Uco au Sud-Est de Mendoza est la plus petite zone de Mendoza - 8 100 ha -. Elle mise sur la haute qualité et l'exportation, toujours dans les cépages de classe française. Les caves en forte progression sont parfois tenues par des spécialistes français du vin,
- La partie Sud de Mendoza travaille les cépages Chenin et Bonarda sur 26 200 ha et plus de 240 caves !
- La partie Est est la géante aux 71 000 ha et plus de 480 caves. Le rouge affectionne le Bonarda, tandis que les cépages blancs et rosés sont axés Pedro Ximenes et Cereza,
- La zone Nord de Mendoza produit des vins de faible altitude autour des cépages blancs de Chenin, de Pedro Ximenes, Ugni blanc, Torrontes et ce sur près de 15 000 ha.
Les vins de Mendoza sont généralement soumis à un vent puissant et incessant sur les contreforts de la cordillère des Andes. Ces vents soulants sèchent les sols et l'atmosphère éloignant par là même les maladies. Les vins ainsi produits sont "organiques" ; ils ne nécessitent pas de traitement chimique particulier.
Enfin, les amplitudes thermiques de l'automne y sont importantes et favorisent la concentration lente et magique des sucres, de l'acidité et des arômes.
Les caves les plus connues de Mendoza sont : Ruca Malen, Navarro Correas, Trapiche, Félix Lavaque, López, Valentín Bianchi, San Telmo, Escorihuela, Cavas de Weinert, J&F Lurton, Flichman, La Rural, Norton, Lagarde, Nieto Senetiner, Goyenechea, Chandon.
Plus au Sud de Mendoza, se trouve la région de la vallée du Rio Negro ou région patagonique qui produit tant de vins pétillants à partir du non moins fameux Semillon. Le Pinot Noir et le Merlot disposent également dans cette partie de Mendoza d'une bonne acidité.
18:39 Publié dans Argentine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Gastronomie
07/11/2005
Yauquén : Cabernet Cauvignon et Malbec Argentin
Les vignes de la bodega Ruca Malen sont soulées par le vent de la Cordillère des Andes - exactement la cordillère de Eux Marches - et gorgées du soleil Argentin. Rudesse et générosité naturelle sur une terre de vin. C'est à plus de 900 mètres d'altitude que sont venus s'installer Jean-Pierre Thibaud et Jacques-Louis de Montalembert qui outre leur production personnelle, négocient avec quelques propriétés environnantes de qualité. Nous sommes dans la première région viticole d'Argentine par ailleurs cinquième producteur mondial avec 5% de la production mondiale après la France, l'Italie, l'Espagne et les USA. La région phare argentine est Mendoza.
Mendoza, au centre sud du pays, c'est 70% de la production nationale et 145000 ha de vigne ! Parmi les quatres zones de production - zone haute du Rio Mendoza et ses 23500 ha, Uco au sud-est de Mendoza avec 8100 ha, la zone sud et ses 26200 ha et celle de l'Est avec 71000 ha - Ruca Malen a choisi l'écrin du Malbec : la région haute du Rio Mendoza, plus exactement la zone viticole d'Agredo y Perdriel.
Jean-Pierre Thibaud et Jacques-Louis de Montalembert sont manifestement des esthètes et de vrais amoureux du très bon vin, celui qu'on boit à petites gorgées et qu'on a la sensation de manger. Ils ont composé ce "Yauquén" - qui signifie "partager un verre" - comme des artistes qui n'auraient plus rien à prouver, qui sont en pleine possession de leur art et qui souhaitent faire partager une sensation.
Messieurs, Bravo ! Je suis certes un grand fan des vins puissants du Sud, des cépages turbulents comme le Malbec, mais en toute indépendance, je vous le dis, voilà deux jours que je mange ce vin et que la bouteille semble ne pas descendre. Ce vin est plus que charpenté, il est en chair et l'oxydation lui va à merveille. Quelques éléments factuels : 60% de Malbec - mon cépage chéri du Sud-Ouest de la France - pour l'explosion en bouche, la puissance et la robustesse, 40% de Cabernet Sauvignon, pour la finesse et la complexité, le tout avec une teneur alcoolique de 14,8°, oui vous lisez bien ! Vous comprendrez qu'on ne boît pas ce vin et qu'il n'est pas nécessaire d'en avoir quantité dans son verre pour l'apprécier. Il ne manque pas de soleil, vous en êtes désormais assurés. La rudesse des vents, l'air pur et vivifiant de la Cordillère ajoutent à cette terre riche en minéraux les ingrédients de vins exceptionnels. L'élevage passe par 7 mois dans des fûts de chênes français - 70% - et américains - 30% -.
Avant de déguster je vous conseille fortement de carafer pendant au moins une heure. Lorsque j'ai "re-"goûté ce vin le lendemain du débouchage, les notes de fruits rouges sont passées de pâte de cassis et prune à pruneau et mûre confites avec des tons de cuir. Ce vin est à la fois vif et compoté, charnel sans jamais céder à la facilité du sucré.
Le potentiel de garde est bon et la dégustation sera optimale dans deux à trois ans. Si vous avez le courage d'attendre jusque là !
Ce vin est sélectionné par le GaultMillau septembre 2005.
Ma note personnelle pour cette belle découverte - la bodega et le vin - pleine de potentiel : 8/10 et plus pour l'originalité !
Prix de la bouteille en France : 7,5Euros.
L'Argentine du vin est souvent marquée par les volumes et la médiocrité, Ruca Malen représente la nouvelle vague, celle qui - comme en Languedoc Roussillon ou en Ardèche - prend le meilleur de son terroir et bouleverse les règles locales pour le reste.
Vive la créativité, vive le travail bien fait, la rigueur, l'effort, la passion, l'intelligence qui font naître la qualité et révèlent ces terroirs naturels bénis !
08:15 Publié dans Argentine | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Gastronomie
31/10/2005
Cartagène de Ruoms, cave coopérative Les Vans
L’Ardèche est ambitieuse et là où d’autres arrachent la vigne ou s’enterrent dans une tradition moyenne sclérosante, elle a choisi au contraire de garder le meilleur (sa nature et son climat) et de tenter l’innovation sur des bases qui réussissent ailleurs (cépages, méthodes de vinification, alcools forts). Le résultat est un florilège de bijoux qui se valorisent et se peaufinent d’une année sur l’autre.
Je vous ai déjà parlé du viognier ardéchois désormais si fameux, des vendanges d’octobre devenues une référence nationale du genre (toujours en viognier blanc) et du cornas noble et puissant, je vous parlerai avec émotion de la liqueur de châtaignes, du blanc de blanc de Lablachère, mais aujourd’hui je m’arrête sur un petit bonbon de terroir prêt à ensoleiller vos apéritifs : la Cartagène de Ruoms.
La cave coopérative de Ruoms centralise les raisins d’Ardèche du Sud sélectionnés pour assembler avec de l’eau de vie cette mistelle, apéritif travaillé à partir d’un mélange d’alcool et de moût de raisin.
La Cartagène est un vieil apéritif traditionnel méridional, ces bouteilles aux étiquettes décomposées par le temps, au petit bouchon de liège très dense qui semble pouvoir traverser l’histoire tout en oeuvrant pour son précieux contenu en repoussant les attaques extérieures.
C’est une madeleine de Proust, un goût qui semblait devoir disparaître avec nos aïeux, avec ces parties de bellotte sur le ciré aux grosses fleurs décolorées de la vieille table en bois, entre ces tours de mains calleuses et tordues qui distribuent les cartes dans un décompte rocailleux et rassurant, dans cette chaleur de poêle à bois qui vous rend frileux à l’automne après un bon civet de lapin au sang et aux pommes de terre délicieusement bouillies. C’est l’âme de la famille qui se retrouve autour d’elle, de quelques sensations fortes et simples, d’une cuisine non aseptisée et tellement puissante, qu’elle vous marque pour la vie.
La Cartagène est un patrimoine et sa nouvelle vie, du Languedoc jusqu’en Ardèche aujourd’hui est une résurrection. Certaines « recettes » sur internet vous proposent une fabrication « en cinq minutes ». Quelle pitié ! Le goût de la cartagène, vin doux très aromatique dans les tons d’épice, de vanille et de réglisse prend son temps pour se construire et révéler toute sa complexité. Elle porte d’ailleurs son noms d’une vinification Carthaginoise importée par Hannibal au cours de la deuxième guerre punique de 219 à 201 avant J.C. La bonne proportion prévoit 4 volumes de moût de raisin pour un volume d'alcool.
Je vous conseille cet apéritif sympathique et authentique bien frais avec quelques toast de tapenade et d’anchoïade ou pour ceux qui ne craignent pas sa charge sucrée avec une entrée de fois gras.
Pas de note pour cet apéritif qui n’a pas de comparatif particulier.
09:25 Publié dans Apéritifs, Les Ardéchois | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Gastronomie